Déclinaisons colorées à la campagne
Dans la commune lucernoise de Root, la Fondation Abendrot et Halter ont réalisé le lotissement résidentiel Wilmisberg, où propriétaires et locataires forment une communauté. Ils bénéficient d’espaces communs polyvalents et d’un aménagement extérieur qui incite les résidents à sortir de chez soi et à se rencontrer en plein air.


Le lotissement Wilmisberg est situé en lisière du village de Root, perché sur une crête entre les agglomérations de Cham et de Lucerne. On s’y installe en général pour la proximité avec la gare RER et l’autoroute A14. Au quotidien, la circulation passe toutefois au second plan pour les résidents: les véhicules qui arrivent par l’accès sud disparaissent dans un garage souterrain. Les piétons, quant à eux, sont accueillis par le clapotis discret d’un ruisseau. Un chemin asphalté sillonne entre les bâtiments en bois colorés, hauts de trois étages d’un côté et cinq de l’autre. De la musique s’échappe d’un balcon, tandis que la bise froide de cet après-midi d’hiver fait tourner une girouette. Un groupe d’enfants se presse autour d’un portique d’escalade, leurs parents bavardent devant l’une des entrées.


Une intégration soignée
Il y a encore quelques années, le terrain escarpé de 20 000 mètres carrés était une zone agricole. Son changement d’affectation est le fruit d’un plan de quartier dont l’organisation semble a priori assez schématique: trois bâtiments en plots parallèles à la pente alternent avec trois autres qui lui sont perpendiculaires, le tout répété sur une deuxième rangée. Aucun édifice n’est aligné sur son voisin. Long de 200 mètres, l’espace de desserte qui relie les accès nord et sud du lotissement est segmenté pour former différents points de rencontre. Les douze bâtiments peuvent sembler imposants dans leur contexte, mais les vides qui les séparent sont tout aussi généreux et leur conception contribue grandement à leur intégration dans le paysage. «La topographie a été pensée de telle sorte que l’environnement se lit comme un espace fluide», explique Theo Hagen du cabinet Vetschpartner Landschaftsarchitekten. «Nous avons délibérément renoncé aux murs, préférant travailler avec des talus et les protections de terrain naturelles.» Vers le bas de la pente, le regard glisse sur les maisons voisines jusqu’à la vallée de la Reuss. Vers le haut, il se perd dans la verdure des champs alentour ponctués de fermes.
Deux maîtres d’ouvrage, un style
Les premiers occupants ont investi les 130 logements au printemps 2024, en location pour certains, en propriété par étage pour d’autres. Le projet a été développé par Halter et réalisé en partenariat avec la caisse de pension Stiftung Abendrot. Halter y a construit des appartements en propriété destinés à la vente, tandis que la caisse de pension propose les siens à la location. Rien dans l’apparence ne vient trahir cette répartition. Toutes les façades sont habillées de pans colorés couvrant toute la hauteur des étages et faits de lattes en bois. Suivant un alignement vertical, les fenêtres sont flanquées d’un côté par un élément saillant, dont l’aspect change selon l’angle adopté: élargissant le cadre d’un côté, il semble prolonger de l’autre les lattes dans l’espace. «Ces cloisons protègent les pièces attenantes contre le bruit de l’autoroute», révèle Domenik Prandini, architecte chez Dachtler Partner. «Ce qui relevait d’une nécessité technique est devenu un élément marquant du langage architectural.» Dans le cadre des mandats d’étude parallèles organisés par les deux maîtres d’ouvrage, le cabinet d’architecture zurichois a su s’imposer non seulement grâce à la conception de la façade, mais aussi par la diversité des typologies et par un concept global étroitement lié à l’aménagement extérieur.
Tous les bâtiments sont accessibles depuis le vaste espace au cœur du site et disposent d’une entrée couverte soutenue par deux piliers massifs. «Le rez-de-chaussée accueille plusieurs espaces communs à la disposition des résidents», ajoute Domenik Prandini. «Facilement repérables, ils structurent l’espace autour du centre vivant du quartier.» Il s’agit de salles polyvalentes, buanderies, chambres d’amis ou pièces joker. Le pavage en grès quartzeux local donne du cachet à la «place du village». Les installations de jeux de plein air, quant à elles, sont dispersées sur le terrain. «Les équipements en bois sont intégrés dans l’espace naturel à portée de voix ou de regard des logements, selon la classe d’âge», ajoute Theo Hagen. À proximité des entrées, on trouve un bac à sable ou une fontaine tandis qu’une aire aventure et une pelouse de jeux bordent le lotissement au sud; pour les adultes, il existe un sauna indépendant.
On associe plus facilement la possibilité d’exercer des activités aussi variées hors de son logement à un lotissement coopératif urbain qu’à un ensemble résidentiel du Mittelland lucernois. L’idée est venue de la Fondation Abendrot pour qui le vivre-ensemble et l’esprit de communauté revêtent une importance particulière. «Pour la réalisation du projet Wilmisberg, nous étions à la recherche d’un partenaire qui partage nos idées», se souvient Jasmin Winterer, chargée de projet Immobilier. «Au terme des mandats d’étude, les principes essentiels, comme les équipements collectifs et la création d’une association des résidents, ont été consignés dans une convention de développement.» Aujourd’hui, l’ensemble des locataires et des propriétaires y adhèrent. Toutes les parties s’acquittent d’une contribution annuelle aux frais d’exploitation d’un franc par mètre carré de surface habitable. Les personnes qui le souhaitent peuvent prendre part à l’aménagement ou à la gestion des espaces communs. Pour la mise en œuvre des premières idées et pour le coaching des membres de l’association pendant la phase de lancement, les deux maîtres d’ouvrage ont apporté un capital de départ de 50 000 francs. «De plus, il nous tenait vraiment à cœur que ce lotissement présente une identité visuelle cohérente et un aménagement fluide des espaces paysagers», ajoute Jasmin Winterer. «Pour y parvenir sur le long terme, le terrain environnant est détenu conjointement par les propriétaires en PPE et par la Fondation Abendrot.»


Des appartements agréables à vivre
Un autre objectif de la caisse de pension était de proposer des loyers abordables. Si les maisons, avec leurs façades colorées, ne laissent rien paraître de la répartition des logements, leur aménagement intérieur, lui, varie considérablement. Les six bâtiments situés sur la moitié sud de la parcelle abritent 71 logements locatifs de 1½ à 5½ pièces. «Leur conception est compacte et efficace, mais ils sont faciles à aménager et agréables à vivre», estime l’architecte Domenik Prandini. La partie nord, légèrement plus vaste, accueille 59 logements en propriété plus spacieux, allant du 2½ au 5½ pièces. Contrairement aux locataires, les propriétaires ont pu choisir leurs finitions.
Tous les bâtiments ont un accès au garage souterrain situé sous l’espace central. Trois escaliers supplémentaires ouverts établissent un lien direct avec l’extérieur et laissent passer la lumière naturelle dans les sous-sols. Les espaces non excavés ont été plantés d’arbres fruitiers. La récolte sera un jour assurée par les résidents – un autre geste appelé à renforcer l’esprit de communauté.

