« Pas de circularité sans réalisation de projet intégrée»

Si nous aspirons à une économie circulaire, nous devrons à l'avenir intégrer nos connaissances dans des jumeaux numériques, optimisés et basés sur la simulation, et intégrer les entreprises d'exécution, les fabricants et les fournisseurs à un stade précoce du processus de planification.

La «Charte pour une construction circulaire» s’est fixé pour objectif de limiter d’ici 2030 en Suisse l’utilisation de matières premières non renouvelables à 50% de la masse totale, de comptabiliser et de réduire fortement les émissions grises de gaz à effet de serre et de mesurer et d’améliorer la circularité des rénovations et des nouveaux bâtiments.

Pour garantir la conception circulaire d’un bâtiment, l’interface entre engineering (planification de l’exécution) et construction (exécution) doit être prise en compte. C’est à ce stade précoce, avant que les premiers engins, matériaux, ouvriers ou robots n’arrivent sur le chantier, que sont posés tous les jalons importants. Toute conception ou planification ultérieure est synonyme d’improvisation et n’est que partiellement contrôlable et mesurable. Elle comporte des risques et génère souvent des corrections, des ajouts, une augmentation des coûts de construction et des retards. Si l’on s’écarte des solutions planifiées, on perturbe également les valeurs de circularité que l’on cherche à atteindre et les étapes de processus nécessaires.

Un jumeau numérique pour une planification axée sur les cycles

Mais comment réduire le plus possible, voire éviter les modifications à ce stade? Réponse: grâce à un jumeau numérique coordonné, optimisé durant le cycle de vie et basé sur la simulation. Ce clone numérique assure en effet une harmonisation entre les travaux de construction et les références fixées pour l’utilisation des ressources, les coûts et l’observation du cycle de vie – y compris l’énergie grise, l’énergie d’exploitation et les émissions de gaz à effet de serre. Il garantit aussi les possibilités de déconstruction, de réemploi et de valorisation.

Le jumeau numérique est capable de décrire un bâtiment tout au long de son cycle de vie et de simuler les objectifs de coûts, de durabilité et de qualité pour vérifier leur viabilité.

Il constitue en outre la base de l’exploitation des «mines urbaines» (urban mining) et des réseaux intelligents à l’échelle des quartiers (pour la chaleur, l’électricité, l’eau, etc.). Ce faisant, il ouvre des perspectives d’optimisation et d’innovation considérables pour le secteur du bâtiment. Le jumeau numérique doit toutefois impérativement rassembler toutes les données pertinentes sur les thèmes que nous venons de citer. En termes concrets, la totalité des matériaux et produits de construction sélectionnés pour le projet, les systèmes liés à la construction et à l’exploitation, les outils, les engins et équipements de chantier, les véhicules et les ascenseurs de chantier ainsi que leurs exigences doivent être identifiés. Si ces données sont connues, leur empreinte carbone, leur disponibilité et leur réemployabilité sont également définies et il est possible d’optimiser leur utilisation.

Intégration précoce des entrepreneurs

Le processus de planification doit par conséquent intégrer très tôt les connaissances des entrepreneurs exécutant les travaux, des fabricants et des fournisseurs de matériaux de construction. En tant que responsables d’entreprise, ils sont en effet les seuls à connaître les techniques et les processus et à être de surcroît jugés sur la réalisation des objectifs. Quels seront les éléments installés sur le chantier? Comment seront-ils transportés et assemblés? Comment recréer avec le bâti existant de la valeur ajoutée et une utilité dans un cycle de vie ultérieur? Les entrepreneurs et les fabricants sont en fin de compte les seuls à détenir les informations essentielles pour répondre à ces questions. Contrairement aux modèles d’exécution actuels qui restent linéaires, l’intégration contractuelle obligatoire des entrepreneurs doit se faire dès la phase de l’engineering afin de fournir les données nécessaires sur le processus et les produits de construction.

Si nous visons une économie circulaire, nous devrons intégrer ces connaissances dans des jumeaux numériques, optimisés et basés sur la simulation. Or il faut du temps. Les entrepreneurs et les concepteurs doivent développer de nouvelles compétences et réorganiser les processus. De leur côté, les maîtres d’ouvrage doivent organiser des appels d’offres intégrés (comme des concours de conceptionréalisation). L’apprentissage et l’action sont les clés qui nous ouvriront les portes de l’économie circulaire.

Alexandra Stamou

est responsable de l’innova- tion et des produits de Halter Gruppe AG depuis janvier 2024 après avoir occupé la même fonction chez Halter SA de 2018 à 2023. Arrivée à Zurich d’Athènes en 2006 pour y suivre des études post-grades, cette architecte est titulaire d’un MAS CAAD de l’EPF de Zurich, d’une formation en développement stratégique et organisationnel (HSG-SKU) et d’une autre en planifification et construction numériques (FHNW). Après son MAS, elle a travaillé cinq ans au Centre suisse d’études pour la rationalisation de la construction (CRB). En 2012, elle a participé à la création de Buildup SA, un spin-offff de l’EPFZ. Elle est membre des conseils d’administration de Halter SA, Tend SA, Aneecy AG et Raumgleiter AG et fait partie de la commission SIA 451.

Alexandra Stamou

Cet article est publié dans l'édition imprimée KOMPLEX 2024. Vous pouvez commander ce numéro et d'autres gratuitement ici.

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