Dix Réflexions sur l'innovation

Texte et Illustration
Alexandra Stamou

Les entreprises du monde entier connaissent des changements rapides et de grande ampleur et se trouvent tôt ou tard confrontées à une transformation numérique qui touche aussi bien leurs processus internes que le jeu de l’offre et la demande sur le marché. Face à ce phénomène, une entreprise comme Halter SA peut choisir de devenir partie prenante de ce mouvement et remettre en question ce qui était connu et bien établi pour oser la nouveauté, gagner en agilité et se développer en permanence.

Il est rare désormais que des disrupteurs surprennent le monde entier. A croire que nous attendons déjà le prochain Google, Alibaba, Airbnb ou Facebook. Dès qu’un phénomène disruptif apparaît, il est intégré en un rien de temps et se fond dans le décor comme s’il avait toujours existé. Après coup, il semble évident de connecter par une application deux personnes, l’une motorisée et l’autre non, qui prévoient toutes deux de se rendre d’un point A à un point B. Après coup seulement. La disruption est semblable à l’innovation, si ce n’est que sa force de frappe est démultipliée. Elle provoque l’émergence de quelque chose d’inédit qui remplace un ancien système d’affaires, processus ou modèle et bouleverse des secteurs entiers. En règle générale, elle est portée par des entreprises « data driven », gérées selon des modèles d’affaires modulaires, qui ont une tout autre approche que celle que l’on a toujours connue. Pour des entreprises établies, qui sont incapables de réagir rapidement ou d’évoluer, ce phénomène peut être catastrophique.

Et même si, lorsqu’on parle d’innovation, on pense généralement à un produit, elle agit de la même manière sur les processus. Les innovations apportées aux processus raccourcissent, sur un mode disruptif, les chaînes de création de valeur des produits existants. En tant que client, on constate peut-être une meilleure qualité ou une productivité supérieure, le processus optimisé sous-jacent passant généralement inaperçu. Pour les personnes directement concernées, les changements qui affectent des processus établis et apparemment immuables peuvent être très douloureux et susciter des réactions de rejet.

Les innovations sont essentiellement des nouveautés pertinentes sur le plan économique, qui identifient un véritable besoin et y répondent souvent de manière plus simple, plus avantageuse et plus judicieuse qu’auparavant. Derrière ces solutions apparemment simples et évidentes se cache une bonne dose d’informatique décisionnelle (« business intelligence »). Pour qu’une innovation voie le jour, il faut tout d’abord une idée, puis des recherches technologiques souvent importantes et onéreuses, des processus de développement itératifs avec des clients,
des boucles de rétroaction et des feuilles de route marketing, des collaborations et des interfaces au sein d’écosystèmes d’affaires, des motifs convaincants, des équipes engagées et des investisseurs visionnaires, prêts à prendre des risques. L’innovation est donc tout sauf simple. Et elle ne tombe pas du ciel.

Je travaille maintenant depuis plus d’une année au sein du groupe Halter – autrement dit un temps assez long pour avoir une vision interne de la capacité d’innovation de l’entreprise, mais encore assez court pour conserver un œil neuf et observer sans préjugé les changements internes qui, pour la plupart, ont eu lieu avant mon entrée en fonction. Mon travail consiste à trouver comment doit s’y prendre une entreprise familiale traditionnelle du secteur du bâtiment en Suisse pour innover. Quelles qualités cette entreprise et ses collaborateurs doivent-ils posséder pour favoriser l’innovation? Comment accroître la capacité d’innovation ? Si l’innovation était un moteur, quel type de carburant lui faudrait-il pour conduire une entreprise au succès ?

1 – L’innovation nécessite une volonté de changement

Il est généralement admis que la numérisation met ou remet de plus en plus l’humain au centre de l’activité. Car quelles que soient les capacités de l’intelligence artificielle aujourd’hui, la créativité reste le privilège de l’être humain. Toutefois, si les créatifs sont innovants, les entreprises doivent aussi être en mesure d’exploiter cette créativité.

La curiosité joue un rôle important dans l’amélioration de la créativité. Les enfants posent beaucoup de questions, sans se demander si d’autres pensent qu’ils devraient déjà connaître la réponse. A l’adolescence, ils se radicalisent, renient le statu quo et veulent tout changer. Plus tard dans la vie, cette ferveur révolutionnaire s’étiole. Les adultes veulent paraître sûrs d’eux, ce qui les empêche de continuer à poser des questions comme « Que se passerait-il si… ? », « Pourquoi … ? » ou « Comment pourrions-nous… ? ». Or le questionnement constructif et assumé favorise le jaillissement des idées et permet d’affecter ses propres compétences et ressources de manière ciblée. Un environnement qui encourage la créativité et la curiosité crée suff samment d’espace pour l’innovation.

➔ série d’ateliers internes « Tous à bord !»
Une série d’ateliers internes, intitulée « Tous à bord ! », offre à tous les collaborateurs intéressés du groupe Halter la possibilité de prendre une part active aux discussions relatives aux thèmes stratégiques actuels de l’entreprise, comme l’efficacité entrepreneuriale, l’utilisation efficiente des ressources, l’aménagement du territoire et la mobilité. Les collaborateurs sont informés de l’orientation actuelle de l’entreprise lors de discussions ouvertes, que leurs propres idées viennent également alimenter.

2 – L’innovation nécessite une approche systématique

Jeter toutes les idées en vrac dans un grand récipient et confier celui-ci au « responsable de l’innovation » ne sert pas à grand-chose. Il ne suffit pas non plus de glisser toutes les idées dans une « boîte à idées » en pensant que l’une d’elles aboutira dans la « boîte d’implémentation » lors de l’étape de sélection suivante, prévue dans trois mois. Collecter toutes les idées via un canal de communication interne ouvert à tous en espérant éveiller l’attention du management n’est guère plus utile. Le secret réside dans l’organisation de toutes ces étapes. Les idées seules ne génèrent pas d’innovations. Après l’idée vient la mise en œuvre, et cette étape implique un processus d’optimisation long et laborieux, car aucune innovation ne marche bien dès le début. Le processus doit être abordé suivant une approche systématique, afin que l’idée puisse être concrétisée dans un nouveau produit, processus ou modèle d’affaires.

➔ le développement de compétences logistiques internes
L’unité Halter Prestations globales travaille à l’acquisition d’un savoir-faire logistique interne et à la mise sur pied d’un centre de compétences logistiques avec la société proptech Amberg Loglay AG. Les premiers échanges, menés fin 2018, ont permis de définir le cadre et les objectifs de la coopération. Amberg Loglay AG souhaitait profiter du savoir-faire de Halter SA pour concevoir une plate-forme logistique plus proche des besoins du marché. De son côté, Halter entendait exploiter la technologie logistique « data driven » d’Amberg Loglay pour simplifier et accroître l’efficacité de ses processus de chantier et permettre ainsi une planification logistique précoce. Aujourd’hui, la plate-forme est déjà utilisée pour les projets Claraturm et Stücki Park à Bâle. Entre les deux partenaires s’est instaurée une boucle de rétroaction précieuse et un transfert de connaissances actif.

3 – L’innovation nécessite une réflexion et une action entrepreneuriales

Dans un monde où la chaîne de création de valeur est modifiée par l’émergence de la transformation numérique, il est important pour les entreprises de redéfinir leur rôle et leur positionnement. Cela leur permettra de s’appuyer sur leurs propres capacités et compétences pour s’implanter dans de nouveaux champs d’activité et prendre une part active à leur développement. C’est ainsi que des processus bien établis pourront voler en éclats. Les entreprises tournées vers l’avenir sont invitées à revoir leurs propres processus, à les simplifier et à les adapter au nouvel environnement. Mais il est plus important encore pour elles de les remplacer, le cas échéant, par des processus inédits, meilleurs et plus intelligents. Cela peut être douloureux et difficile à mettre en œuvre, surtout lorsque la nouveauté cannibalise des processus existants appréciés et profondément enracinés. Tout peut être remis en question, tout doit être repensé. Plus les collaborateurs réfléchissent et agissent selon ce principe, plus les solutions seront durables pour l’entreprise.

➔ les groupes de travaux
Halter joue un rôle pionnier en Suisse en remettant en question le modèle en cascade établi dans le secteur de la construction et en testant avec des sociétés partenaires des modèles d’affaires alternatifs qui s’appuient sur des processus agiles et itératifs. Ces nouveaux modèles de collaboration doivent d’abord être imaginés, puis approuvés par toutes les parties prenantes. Ils donnent forcément lieu à de nouveaux contrats, en rupture avec les anciens modèles de prestations, et nécessitent des arrangements entièrement nouveaux. A cela s’ajoute, et c’est tout aussi important, la nécessité d’adapter la culture de la collaboration, qui doit reposer non plus sur des objectifs hiérarchisés, mais sur des structures de gestion grâce auxquelles les objectifs, attentes et intérêts des parties peuvent s’accorder sur le long terme. De telles formes de collaboration inédites sont testées au sein des groupes de travail.

4 – L’innovation nécessite de placer le client au centre

Une innovation doit apporter une valeur ajoutée visible au client. La plupart du temps, elle simplifie les choses. Il est donc capital de suivre le principe « on the project with the client ». Le client n’est pas un avatar. Il existe dans le monde réel : il a des besoins qu’une entreprise doit être en mesure de satisfaire mieux que ses concurrentes. « Mieux », c’est-à-dire plus efficacement, plus rapidement, plus durablement, dans une meilleure qualité ou encore à moindre coût. Plus une entreprise est proche de son client, plus elle dispose d’un feed-back individuel concernant ses attentes et plus elle peut comprendre précisément l’ensemble du segment de clientèle.

C’est ici que naît l’innovation : une entreprise observe les différents besoins et développe ensuite pour l’ensemble du segment une nouvelle offre présentant une bonne modularité. Parfois, une entreprise fait un pas de plus dans ce processus d’innovation. Elle commence à cibler des besoins, dont le client ignorait tout. Dans un tel cas, elle doit être visionnaire, car elle va alors marquer le marché de son empreinte et imposer une nouvelle vision.

➔ MOVEment Systems AG
MOVEment est une solution modulaire pilotée par ordinateur, qui permet de déplacer automatiquement des éléments importants de mobilier afin d’identifier l’utilisation la plus optimale de l’espace. Ce concept a été développé pour résoudre le problème des petits appartements, construits dans le sillage de la tendance à l’économie de partage, à la densification plutôt qu’à l’expansion, au nombre croissant de ménages individuels et enfin à la mobilité. Les initiateurs du projet cherchaient le moyen d’offrir une qualité élevée même dans les petits appartements, en utilisant l’espace de manière optimale. Fin 2016, ils ont découvert le concept « Elastic Living » de l’architecte Angelo Roventa. La spin-off MOVEment Systems AG est née suite à une initiative interne de Halter. Les chiffres et les faits parlent d’eux-mêmes : il faudra huit mois pour obtenir la présentation concrète dans la salle du CA ainsi que l’analyse de marché et de potentiel réalisée par Wüest Partner, qui confirmera la valeur ajoutée pour les investisseurs comme pour les locataires. Dix mois plus tard, le prototype pourra être admiré dans le showroom après un temps de réalisation d’à peine douze semaines. Neuf mois plus tard, enfin, le premier appartement témoin sera équipé. Depuis, plus d’une centaine de modules MOVEment ont été commandés, dont presque la moitié pour le projet The Jay à Adliswil (ZH). Les retours reçus de la production et de l’utilisation vont alimenter le développement continu. Et tout cela pour satisfaire les attentes des clients, désireux de disposer d’espaces de vie aisément exploitables, à prix abordables.

Dix moteurs d’innovation de Halter SA.

5 – L’innovation nécessite une culture d’entreprise ouverte et vivante

L’innovation ne doit pas être une boîte noire au sein de l’entreprise. Elle n’est pas réservée à une élite. Les entreprises ne peuvent tout simplement pas se permettre de faire reposer leur capacité d’innovation sur les épaules de quelques personnes visionnaires.

Lorsque l’on parle d’innovations, ce ne sont pas les aspects technologiques, mais les aspects organisationnels qui arrivent au premier plan. Chaque individu peut faire preuve d’innovation, au quotidien, en cherchant pour lui-même la solution la plus simple. Chaque collaborateur est un innovateur potentiel, tant il est vrai que l’innovation est un processus ascendant. De fait, ce sont les collaborateurs qui savent précisément où des solutions intelligentes font défaut et comment on pourrait faire mieux et plus simple. Dans ce contexte, l’accès à la connaissance et la qualification des collaborateurs gagnent en importance.

En d’autres termes, une entreprise peut accroître sa capacité d’innovation en laissant ses collaborateurs prendre des responsabilités et rechercher la proximité avec le client. Les entreprises doivent faire confiance à leurs employés, les encourager, les appeler à faire des essais et leur offrir un soutien en cas d’échec. Enfin, l’innovation ne peut fonctionner vers l’extérieur que si elle fonctionne vers l’intérieur.

➔ le concept de « CEO du projet »
Dans la société et l’économie en général, la peur de commettre une erreur est omniprésente. L’approche « fail cheap and fast » est une réaction à cette situation : en opposition à l’injonction « do not fail » – qui paralyse toute volonté de décision– elle conduit à long terme à la prise de meilleures décisions. Dans les projets de construction et de développement, cette approche est capitale : au lieu d’organisations gigantesques, l’entreprise table sur des petites équipes avec des tâches, compétences et responsabilités clairement définies. Ce n’est pas sans raison que la notion de CEO du projet s’est établie pour promouvoir cette culture. Un système de gestion des risques qui met l’accent sur les points essentiels et le principe du double regard ainsi qu’un engagement clair en faveur de la transparence et une culture vivante du débat et de l’erreur sont bien plus efficaces que des systèmes d’assurance qualité et de reporting disproportionnés ciblant les fautifs.

6 – L’innovation nécessite de la pertinence

L’innovation surgit souvent lorsque quelque chose nous touche, nous enflamme. Si une nouvelle offre est pertinente et utile pour le client, alors la probabilité qu’elle soit acceptée non seulement à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur de l’entreprise augmente. Ce qui, à son tour, aboutit au succès de l’innovation et, partant, contribue à la réalisation des objectifs de rentabilité de l’entreprise qui la produit. Créer un produit pertinent est donc fondamental. Au-delà de la focalisation sur le client, décrite au point 4, les valeurs de fiabilité, durabilité et équité jouent également un rôle.

Ces valeurs permettent aux collaborateurs de « défendre » le produit et rendent celui-ci encore plus attrayant pour les clients qui partagent ces mêmes valeurs. Il est souvent question, aujourd’hui, du bien-fondé ou « purpose » d’une organisation, dont les collaborateurs ont besoin pour s’enthousiasmer pour leur travail. Quand les collaborateurs identifient clairement comme telle la valeur ajoutée qu’ils créent, leur motivation s’en trouve accrue et cette compréhension devient un terreau fertile pour leur capacité d’innovation.

➔ le projet « Wir sind Stadtgarten »
La problématique liée à la création de logements abordables dans l’espace urbain n’a cessé de gagner en importance ces dernières années. Lorsqu’elle a été soulevée, à l’occasion de diverses réunions stratégiques de Halter SA, des collaborateurs de l’unité Business Development de Berne ont décidé de fonder leur propre coopérative d’habitation, baptisée « Wir sind Stadtgarten », pour participer à un concours. Le concours a été remporté et, après trois ans de travaux de planification et de développement, la première pierre des logements coopératifs Huebergass à Berne a pu être officiellement posée en automne 2019. La construction de logements coopératifs revêt une grande utilité en Suisse. Les collaborateurs, qui soutiennent pleinement la mission de la coopérative « Wir sind Stadtgarten», déploient leur savoir-faire et leurs compétences pour créer dans tout le pays des logements abordables à long terme.

L’écosystème d’affaires de Halter.

7 – L’innovation nécessite une collaboration

Sortir des schémas de pensée traditionnels et dépasser les canevas propres à la branche présentent des avantages favorables à l’innovation. De nombreux disrupteurs nous l’ont brillamment démontré. Et pourtant bon nombre d’entreprises ont toujours beaucoup de peine à quitter leurs propres schémas de pensée, à partager leur savoir, à dialoguer, à échanger et à développer de nouveaux produits, prestations et modèles d’affaires en transcendant les limites sectorielles. Lorsque deux personnes avec des schémas de pensée différents se mettent à échanger des idées, elles s’enrichissent mutuellement et l’inspiration jaillit presque d’elle-même. Dans un tel cas, « un plus un » égale souvent bien plus que deux.

La collaboration interne, au sein d’équipes plurisectorielles et interdisciplinaires, et la collaboration externe au sein d’écosystèmes d’affaires sont également des solutions possibles. Les écosystèmes d’affaires décrivent des modes de collaboration qui vont se multiplier au cours des prochaines années. Ils apparaissent à la charnière entre les branches existantes, compilent les besoins des clients à un niveau supérieur, évoluent souvent dans de nouveaux champs d’activités qui n’ont peut-être même pas de nom, et visent à créer des expériences clients inédites. Celles-ci ne verraient jamais le jour si les différentes entreprises ne combinaient pas leurs connaissances et leurs compétences. De fait, une innovation commerciale n’est pas le fruit d’un inventeur, mais le résultat du travail de l’ensemble des parties prenantes d’un écosystème.

➔ « The Branch », le nouveau concept de cotravail pour le secteur de la construction et de l’immobilier
« The Branch » traduit la volonté du groupe Halter d’ouvrir son environnement d’affaires innovant à d’autres entrepreneurs innovants. Dans le cercle intérieur, l’écosystème d’affaires de Halter doit se développer durablement. Dans le cercle extérieur, il s’agit de promouvoir l’échange de connaissances, la mise en réseau et la collaboration avec les grandes entreprises comme avec les proptechs, Halter SA assumant le rôle de pivot pour l’ensemble de l’activité. La volonté de dialoguer et de coopérer, manifestée par les entreprises participantes, joue un rôle déterminant pour le succès de l’écosystème. Les règles du jeu sont claires: partager le savoir-faire et les coûts de développement, et mettre l’accent sur un résultat gagnant-gagnant.

8 – L’innovation nécessite de la ténacité

L’innovation nécessite un travail de longue haleine : il faut être capable d’essayer des choses et de les développer encore et encore. Même lorsque tout n’est pas clair, lorsque des facteurs externes peuvent avoir une grosse influence sur ses propres plans, lorsque les conditions sociales, politiques, environnementales ou économiques entravent ou bloquent entièrement la voie choisie. A plus forte raison lorsqu’une entreprise souhaite révolutionner le marché avec son innovation, autrement dit lorsque son innovation ne vise pas simplement à satisfaire un besoin, mais au contraire à le créer. Il est facile de nommer les choses qui sont évidentes ; mais il en va tout autrement de choses qui ne s’expliquent pas d’elles-mêmes. Le chemin jusqu’au produit fini peut être long et semé d’embûches. Une entreprise doit s’appuyer sur une dynamique à long terme pour avancer, en gardant l’objectif supérieur à l’esprit et en rectifiant le cap en permanence. Pour ce faire, elle doit affecter ses ressources disponibles de manière judicieuse et réfléchie et – si nécessaire – identifier et explorer de nouvelles pistes.

➔le projet Attisholz-Areal
Salué désormais dans toute la Suisse, le projet Attisholz-Areal est un projet générationnel, qui œuvre de manière intensive à la réhabilitation d’un ancien site industriel. Il s’agit d’un projet unique de Halter SA, eu égard à la durée de mise en œuvre, au volume d’investissement et aux dimensions du bien-fonds. Le projet d’Attisholz n’est pas un simple produit que l’on peut décrire précisément aujourd’hui et qui peut être planifié comme n’importe quel autre. Il est si volumineux et si complexe, et la réhabilitation du site s’étale sur une période si longue, qu’il requiert une vision forte, combinée à une bonne dose de courage, d’agilité, de capacité d’innovation et de clairvoyance. Dans le même temps, ce projet peut profiter de nombreuses initiatives externes qui l’alimentent et le rendent encore plus fort.

9 – L’innovation nécessite des connaissances approfondies

Les innovations prometteuses naissent de la rencontre entre les connaissances approfondies d’un domaine et les technologies numériques. Le recours aux technologies numériques peut fournir des solutions intelligentes à des problèmes précédemment identifiés avec précision. Mais la technologie seule ne suffit pas et n’est pas une fin en soi. L’un des principaux obstacles sur lesquels achoppent les start-up, c’est qu’il leur manque souvent la proximité avec la pratique. Elles disposent du savoirfaire technologique, mais peu de connaissances de la branche. A l’inverse, les entreprises établies se demandent souvent comment aborder des innovations. Pour peu que les connaissances internes nécessaires fassent défaut, elles doivent alors décider si elles veulent développer elles-mêmes ce savoir-faire en interne, l’intégrer ou l’acquérir. Lorsqu’elles veulent agir vite, la conclusion d’un partenariat ou le rachat d’une start-up tombent sous le sens – et peuvent se révéler judicieux pour les deux partenaires, l’entreprise établie et la start-up. La première obtiendra ainsi un accès rapide et direct aux talents et au savoir-faire technologique, la seconde bénéficiera d’un savoir-faire pratique et de la clientèle existante.

➔ l’acquisition de Raumgleiter AG
Dans le secteur de la construction et de l’immobilier, il a fallu beaucoup de temps pour que la numérisation soit abordée de manière systématique. Cette inertie s’explique par la structuration par branches de cette économie nationale, soumise à des réglementations strictes des autorités et de ses propres associations. Halter SA a lancé ses premières initiatives de numérisation au début des années 2010, initiatives qui ont suscité un certain scepticisme tant chez ses propres collaborateurs que sur le marché. Ces tentatives ont toutefois permis de tirer un enseignement : les nouveaux processus et technologies sont avant tout acceptés lorsqu’ils génèrent une utilité directe ou offrent une expérience client supplémentaire. De son côté, la société Raumgleiter était partenaire de Halter SA dans le domaine de la visualisation depuis près de dix ans lorsque le groupe a décidé, en 2016, de soumettre une offre de rachat à ses propriétaires. L’intégration de cette société dans l’écosystème de Halter a permis un accès rapide et direct au savoir-faire en matière de numérisation et de visualisation et généré des synergies pour la création d’expériences clients inédites.

10 – L’innovation doit être une priorité stratégique

La volonté stratégique constitue l’une des conditions essentielles au développement de nouveaux produits, processus et modèles. Les objectifs d’innovation doivent être définis en lien avec la stratégie et être mesurés à l’aide de critères transparents. On ne peut pas suivre n’importe quelle idée, les ressources devant être affectées de manière ciblée. Pour éviter de se disperser, la connaissance de la voie à suivre et de la stratégie sont indispensables. Par ailleurs, l’accumulation des risques doit être limitée en choisissant de s’implanter sur le marché avec un portefeuille diversifié de nouveaux produits ou modèles d’affaires, en le testant et en décidant rapidement s’il est judicieux de poursuivre sur la voie choisie ou s’il est nécessaire de rectifier le cap. Comme toujours en matière de gestion, il faut procéder à une judicieuse pesée des intérêts.

➔ de la stratégie à l’idée puis à la réalisation
Le groupe Halter travaille actuellement au développement de solutions qui augmentent les compétences des maîtres d’ouvrage, des chargés de réalisation et des exploitants. Cet objectif plonge ses racines dans la vision stratégique de l’entreprise. Il se fonde sur la conviction selon laquelle plus les compétences du client et du partenaire sont élevées, plus il est possible de prendre les meilleures décisions à une étape précoce. La prise de décisions judicieuses aboutit à des chaînes de processus plus efficaces et à de meilleurs immeubles – sur les plans économique, social et écologique. Le « cockpit budgétaire numérique », qui se trouve encore à l’état de prototype, doit permettre aux maîtres d’ouvrage d’appréhender suffisamment tôt les coûts inhérents aux différentes étapes du cycle de vie d’un immeuble, à savoir la planification, la construction, l’exploitation et l’éventuel démantèlement.

Perspectives

Ainsi, l’innovation nécessite également des personnalités assumant le rôle de modèles, des capitaux, une bonne gestion de l’information et des données, pour n’en citer que quelques-uns. De même, toutes les réflexions n’ont pas la même pertinence, ni la même importance pour toutes les entreprises. Les réflexions et les interrogations ne sont pas statiques, mais font au contraire l’objet d’une évolution dynamique : « ta panta rhei » (tout coule, en grec ancien). Une vérité que la numérisation et les développements technologiques qui y sont liés rendent d’autant plus évidente aujourd’hui.

En tant qu’architecte, j’ai compris, il y a des années, que le secteur de la construction et de l’immobilier allait changer. A l’époque, je ne pouvais pas dire précisément ce qui allait se passer, quand, et comment. Mais je savais que je ne resterais pas simplement à observer le phénomène, mais que je voulais apporter ma contribution à ce développement. Depuis, je cherche les moyens de rendre l’innovation et la numérisation utile et pertinente. Ce qui me fascine, c’est de savoir que l’on innove constamment, et j’aimerais contribuer à ce que ce processus de transformation ne soit pas vu seulement comme un risque, mais aussi comme une chance.

Lorsque j’évoque l’innovation et la disruption, je pense non seulement aux aspects « générer une utilité » et « réduire les coûts », mais aussi à un autre moteur de l’activité : la responsabilité qui incombe aux entreprises de rechercher sur le marché des solutions globales et durables. La durabilité, en effet, n’est pas une tendance, mais une nécessité. Et les innovations ne doivent pas seulement servir quelques privilégiés, mais présenter au contraire une utilité pour le plus grand nombre, éviter tout gaspillage des ressources et être utilisées de manière responsable. Dans cette perspective, ma vision va bien au-delà de l’idée de développer sa propre activité et les processus qui y sont liés. Elle vise l’ensemble du secteur de la construction et de l’immobilier qui exerce une influence prépondérante sur notre environnement et notre vie à tous.

Cet article est publié dans l'édition imprimée KOMPLEX 2020. Vous pouvez commander ce numéro et d'autres gratuitement ici.

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