Le micro est le nouveau mini
Pour faire face à l’évolution démographique, les logements voient leur surface réduite depuis fort longtemps et aujourd’hui, grâce aux dernières technologies et aux applications numériques, ils deviennent même encore plus petits. Un développement fait actuellement parler de lui en Suisse: il s’agit de MOVEment, un concept d’habitation modulaire conçu par l’architecte autrichien Angelo Roventa et mis sur le marché par Halter SA.
Rappelez-vous «Le cinquième élément» de Luc Besson et le caisson d’habitation futuriste, un peu délabré et multifonctionnel dans lequel vivait l’acteur principal, Bruce Willis. Tourné en 1997, ce film était, comme tous ceux de son genre, en avance sur son temps. Depuis, la tendance à construire des habitations dans des espaces extrêmement petits est devenue réalité. Désormais, les promoteurs immobiliers et les architectes du monde entier s’efforcent de créer un confort d’habitation maximal sur des surfaces aussi réduites que possible.
De plus en plus de Suisses vivent seuls
Cette nouvelle tendance est l’expression d’un changement structurel au sein de notre société. Alors que les ménages constitués d’une seule personne (monoménages) étaient encore minoritaires en Suisse en 1920, ils sont majoritaires depuis les années 1990 et leur nombre ne cesse de croître. L’Office fédéral de la statistique prévoit même qu’ils seront 1,7 million d’ici 2045, ce qui correspondrait à 38% de l’ensemble des ménages.
La raison invoquée pour expliquer cette hausse attendue est, d’une part, l’allongement de l’espérance de vie et, d’autre part, le nombre croissant de personnes veuves vivant seules. Sans oublier la longueur des études et la forte mobilité professionnelle des jeunes générations, qui s’engagent plus tard et pour qui fonder une famille passe au second plan.
Dès les années 1960, la Suisse a commencé à voir fleurir de plus petites habitations en ville sous l’effet de la croissance urbaine et de l’évolution des structures familiales qui ont créé de nouveaux besoins. Aujourd’hui, la plupart de ces objets sont vétustes. En outre, la tendance actuelle à une mobilité plus responsable accroît la demande d’habitations urbaines à proximité des centres-villes. Un développement qui exige des solutions faisant un meilleur usage des habitations existantes. C’est là qu’entrent en jeu les microappartements qui visent à rendre l’habitat urbain praticable et abordable sur quelques mètres carrés seulement.
La numérisation pour un gain de place et de coûts
La numérisation a considérablement modifié notre quotidien ces dernières années et influence également les besoins des habitants. Les étagères, les armoires murales, les collections de DVD, les tours à CD et les systèmes hi-fi ont fait leur temps auprès des nomades modernes, mais pas seulement. Presque tout le monde stocke de la musique, des livres, des photos et autres documents sur son ordinateur, sa tablette ou son smartphone. Sans parler de nos penderies qui débordent de vêtements: les coachs en rangement ont donc la cote. En outre, de nouveaux appareils numériques non seulement nous rendent la vie plus facile et plus sûre, mais ils sont aussi synonymes de progrès technologiques, une évolution inéluctable.
Les promoteurs immobiliers surfent sur ces tendances et voient se dessiner un marché grandissant pour des concepts d’habitation compacts et flexibles destinés au groupe cible des monoménages. Le magazine d’architecture en ligne «Dezeen» a récemment publié dix exemples illustrant la grande diversité des modes de planification dans ce domaine, de New York à Taipei. Les outils que la transformation numérique a donnés aux planificateurs ont un effet accélérateur. Les processus de construction en série et les simulations réalistes favorisent les concepts d’espace automatisés.
De nouveaux produits sont également lancés en Suisse. Le développeur de projets allemand i Live propose des microappartements avec une gamme complète de prestations et SV Hotel AG prévoit d’ouvrir à Berne début 2020 le premier hôtel Stay-KooooK, dont les chambres peuvent être adaptées aux besoins des clients grâce à leur design flexible et conviennent également aux longs séjours. Quant à MOVEment, un concept d’habitation modulaire avec des éléments de mobilier coulissants lancé par Halter SA en 2017, il suit son propre chemin.
Trois ans de développement
Ce chemin entre la première idée et l’appartement MOVEment actuel a été long. Il a fallu trois années entières pour mettre au point un produit commercialisable. Le père spirituel de MOVEment est l’architecte viennois Angelo Roventa. En 2009, il réalise pour la première fois son concept d’habitation Elastic Living. L’idée était si novatrice qu’il a reçu la même année un prix de la Chancellerie fédérale autrichienne dans le cadre du «Outstanding Artist Award – Tendances expérimentales en architecture». Ce visionnaire décrit son approche ainsi: «J’ai essayé d’intégrer les aspects philosophiques du temps et de la sérialité dans l’aménagement du territoire et de les traduire dans l’architecture. Une personne ne peut pas être à deux endroits à la fois. Nos besoins évoluent également au cours de notre vie».
En quête d’une réponse aux transformations sociales et au manque de solutions de logement adéquates, Halter SA découvre avec intérêt Elastic Living en décembre 2016. Le promoteur immobilier décide, avec Angelo Roventa, de pousser l’idée de base encore plus loin pour parvenir à la commercialiser. Le nouveau nom de marque MOVEment est lancé en juillet 2017 et, un mois plus tard, le système peut être testé virtuellement sur Internet. En même temps, Wüest Partner confirme le modèle d’affaires prévu.
La construction du premier prototype débute en mars 2018: trois modules d’habitation équipés d’un moteur électrique sont fixés sur un rail placé le long du mur entre la cuisine et l’espace de couchage. Si nécessaire, les occupants peuvent sélectionner différentes constellations spatiales d’une simple pression sur un bouton, ce qui permet de créer de l’espace pour travailler, regarder la télévision ou faire du yoga au sol. Ces différents éléments sont répartis dans une seule pièce d’une superficie minimale de quelque 23 mètres carrés, tandis que la salle de bain est aménagée dans une pièce séparée.
Un concept qui plaît, puisque la première commande est passée le même mois: dans le cadre d’un mandat d’entrepreneur total, 41 appartements MOVEment sont commandés pour le complexe immobilier The Jay, à Adliswil. Ces logements devraient être prêts à accueillir leurs occupants en automne 2019. D’ici là, avec le soutien de l’expert en innovation et technologie Zühlke, MOVEment sera développé pour pouvoir être produit en série. Un architecte d’intérieur s’occupe du design des modules d’un blanc neutre. Peu après le dépôt de tous les brevets, les investisseurs du projet Claraturm près de la Messeplatz de Bâle ont également opté pour le concept d’aménagement MOVEment.
MOVEment – un concept d’habitation unique
Alex Valsecchi, directeur Business Development chez Halter et responsable du développement du produit, tire un bilan intermédiaire du projet: «MOVEment est un exemple parfait de la complexité liée au développement de nouvelles formes d’habitation pour les centres-villes offrant un espace limité. Il faut énormément de savoir-faire pour concrétiser un tel projet.» Bien que le projet soit un succès jusqu’ici, la réalisation de MOVEment a demandé beaucoup de persévérance. Et le projet n’a pas manqué de réserver de nombreuses surprises. Le développement de ce concept d’habitation unique en Suisse devrait se poursuivre dans les années à venir. Le premier appartement témoin MOVEment a été achevé en mars 2019 dans le complexe The Jay, à Adliswil.
Halter s’est fixée comme objectif d’installer chaque année jusqu’à 300 unités MOVEment dans ses propres projets de développement et dans les projets de ses mandants. D’ici 2045, 7 200 microappartements supplémentaires devraient ainsi arriver sur le marché immobilier. Un objectif audacieux, même si, d’après l’Office fédéral de la statistique, cela ne suffira en aucun cas à satisfaire la demande prévue.
move-ment.ch