Le bâtminent, modèle de cycle vertueux

Texte
Simon Büttgenbach
Photos
Ralph Bensberg

Les immeubles consomment de l’énergie et rejettent de très grandes quantités de CO2 dans l’atmosphère. Ce bilan constitue un problème dans le contexte actuel, si attentif à la protection du climat. Pour réduire la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre dans le domaine de la construction, il convient d’adopter une procédure structurée et continue. Une approche systématique comme celle que propose Tend AG s’accompagne très rapidement d’avantages économiques considérables.

Des installations techniques comme celle-ci existent un peu partout. Des mesures appropriées permettent de réduire la consommation d’énergie et l’émission de gaz à effet de serre.

En approuvant la Stratégie énergétique 2050, les Suisses ont manifesté leur volonté de sortir du nucléaire. Le Conseil fédéral a par ailleurs décidé d’aller au-delà des exigences définies par l’Accord de Paris – réduire de moitié par rapport à 1990 les émissions de CO2 d’ici à 2030 – en s’engageant à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 (zéro émission nette). Simultanément, la Suisse entend réduire aussi les importations étrangères en la matière. Pour l’heure, on ignore toutefois comment atteindre ces objectifs, car les lois d’application sont encore en préparation ou en consultation.

Gros consommateur d’énergie et émetteur de CO2, le secteur de l’immobilier et de la construction est lui aussi tenu d’apporter sa contribution à la réalisation de ces objectifs ambitieux. Il peut d’ailleurs se targuer d’avoir d’ores et déjà fortement contribué aux objectifs de réduction au cours des trente dernières années. Toutefois, de nouveaux efforts et de nouvelles approches seront nécessaires. Et même si les conditions-cadres techniques, économiques et réglementaires vont encore évoluer à court et moyen termes, notre secteur n’aura d’autre choix que de poursuivre avec ténacité sur cette voie. Il doit assumer ses responsabilités, et cela pas seulement sous la pression de la société. Si l’on considère les choses dans leur ensemble, cette réduction s’accompagnera aussi d’avantages économiques.

Adopter une vue globale, c’est tout d’abord considérer la totalité du cycle de vie d’un bâtiment comme s’il s’agissait d’un circuit et y associer un mode de fonctionnement et d’action dépassant les limites immédiates du système. Enfin, différentes unités de mesure – non seulement les francs, mais aussi les kilowattheures et le dioxyde de carbone – doivent entrer dans l’estimation du coût d’un projet. Les formidables possibilités que nous offre la numérisation doivent absolument être mises à profit afin d’améliorer notre efficience et notre efficacité. Je pense notamment aux services basés sur le cloud, aux applications reposant sur l’internet des objets, au « machine learning » et à l’intelligence artificielle.

Optimisation de l’exploitation

Par le passé, on s’est surtout intéressé aux nouveaux projets, dans le cadre desquels il était possible de réaliser des progrès considérables en matière d’efficience énergétique.

Mais aujourd’hui, les regards se tournent de plus en plus vers les immeubles existants qui présentent un énorme potentiel d’optimisation. Etonnamment, c’est le cas non seulement d’immeubles vieillissants, mais aussi de bâtiments relativement récents, parfois même labellisés. Un fait connu sous le terme d’écart de performance, qui suscite de vives discussions dans les milieux professionnels. Des études ont en effet révélé que les indices énergétiques approuvés dans l’étude de projet ou exigés dans le cadre de la procédure d’autorisation de construire étaient, en réalité, rarement atteints.

Une optimisation globale, efficace et abordable nécessite tout d’abord une analyse des objets ou du portefeuille. Et pour procéder à une analyse, il faut s’appuyer sur des données. A ce stade, il convient d’adopter une approche pragmatique et systématique : au lieu de recueillir des données tous azimuts, il vaut mieux utiliser les données disponibles et pertinentes. Car plus que la quantité de données, c’est la structuration de leur collecte qui est importante : si elle est bien faite, elle permet d’exploiter plusieurs fois les mêmes données sous différents angles, d’établir un historique et d’en tirer profit directement pour les processus d’affaires et les cockpits. Les instruments basés sur le cloud nécessaires à ce type de collecte et d’utilisation sont déjà disponibles sur le marché. En y recourant dès le début du projet, on évite les redondances, on accélère les procédures et on ouvre le champ des possibles pour l’analyse, la surveillance et la gestion ultérieure. Logiquement, les calculs sont déjà réalisés en différentes unités de mesures, de sorte que les projets peuvent être évalués non seulement sous l’angle de la consommation d’énergie et de l’émission de CO2, mais aussi sous celui du coût d’exploitation. Les premières analyses permettent d’établir un classement et une comparaison avec les indices de référence existants. Il est alors très facile de voir où il est urgent d’intervenir et où il est possible de bénéficier facilement de cette approche.

Si, comme le révèle une comparaison avec un indice de référence, des immeubles pourtant à la pointe de la technique sont peu efficients, la saisie des données devrait également prévoir l’intégration des systèmes de technique du bâtiment. Là aussi, on pourrait procéder avec pragmatisme, en optant pour la connexion à des interfaces existantes et, le cas échéant, en plaçant des capteurs peu onéreux à des endroits précis. Si les connaissances conceptuelles et techniques font défaut à ce stade, le danger est grand de surréagir en dotant plus tard le bâtiment d’un arsenal technique complémentaire démesuré. Durant cette première étape, le moins est assurément le mieux.

Sur la base de l’analyse, on peut alors lancer les premières mesures. Il s’agit le plus souvent d’instruire le personnel, de revoir le réglage des installations et d’inciter les utilisateurs à modifier leur comportement. Si les données sont enregistrées correctement et alimentent régulièrement le cloud, le cockpit peut suivre la performance du bâtiment en continu. Le processus peut ainsi repartir depuis le début : le nouveau bilan devient alors l’indice de référence, qu’il convient dans une deuxième phase de battre en prenant des mesures plus efficaces et plus larges. Ainsi, une seule analyse permet, à terme, le développement d’un cercle de processus vertueux, qui aboutit à une amélioration continue de l’efficience et à une diminution des coûts d’exploitation.

Rénover avec stratégie

Mais la plupart du temps, il arrive un moment où un assainissement, une rénovation ou une reconstruction sont nécessaires. Ce qui nous ramène au début du cycle de vie, c’est-à-dire à la rénovation ou à la naissance d’un nouveau bâtiment au fil des étapes de développement, de conception, d’ingénierie et de construction. Dans la phase de développement en particulier, il s’agit d’adopter la bonne stratégie à l’aide d’une analyse globale. Il convient d’étudier tous les aspects et options sous l’angle énergétique. Y a-t-il un réseau à distance pour le chauffage, la climatisation ou l’énergie à proximité ? Un regroupement d’autoconsommateurs est-il possible ? L’énergie solaire ou une solution LowEx, qui permet de recueillir l’énergie solaire (lumière et chaleur) sur le toit et les façades et de la stocker temporairement dans le sol à l’aide de sondes géothermiques, sont-elles envisageables ? Une fois encore, il faut opter pour le meilleur concept avec pragmatisme, en s’appuyant sur des connaissances solidement étayées.

Si le choix se porte sur une nouvelle construction, il faut prendre en considération le fait que chaque nouveau bâtiment entraîne une augmentation des émissions de CO2 issues de l’énergie grise. Cette nouvelle construction doit donc présenter des avantages importants. Or c’est le cas seulement si elle contribue à la densification, à hauteur de 50% au moins, idéalement même plus. Du point de vue des émissions de CO2, les densifications ne sont pas toutes judicieuses. Etant donné qu’une utilisation accrue augmente la mobilité induite, il ne faudrait densifier fortement que là où, en raison de la situation centrale ou de l’excellent raccordement aux transports publics, la densification ne risque pas d’entraîner une recrudescence du trafic.

Augmenter le capital confiance

Les efforts pour accroître l’efficience énergétique et les mesures visant à réduire les émissions de CO2 ne sont pas immédiatement rentables. Ainsi le droit du bail ne permet pas actuellement de répercuter ceux-ci sur les loyers. Les programmes d’encouragement permettent certes de baisser les coûts, mais dans les conditions-cadres actuelles, les solutions traditionnelles moins écologiques demeurent souvent moins chères. Certes, nous vivons, comme déjà évoqué, une période charnière où les choses bougent beaucoup : lois, programmes d’encouragement et conditions- cadres économiques vont encore évoluer et les calculs d’investissement donneront de tout autres résultats. L’internalisation des coûts environnementaux au moyen de taxes sur le CO2, du négoce des certificats d’émission et d’autres mesures du genre devrait tirer vers le haut le coût des énergies fossiles. La libéralisation du marché de l’électricité pourrait même avoir pour effet de rendre la production propre, le stockage et l’injection de courant très lucratifs en période de pénurie d’électricité. Si nous parvenons à accroître notre capital confiance dans la société et réduisons nos dépendances vis-à-vis de tiers, en particulier de l’étranger, une approche systématique et une mise en œuvre sur tout le cycle de vie pourraient être payantes à plus d’un titre tout en apportant une contribution importante à la protection de l’environnement. → www.tend.ch